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Page:Kropotkine Champs, usines et ateliers.djvu/362

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cope qui, pour son époque, était un fort beau travail. Leibnitz aimait à inventer des machines : les moulins à vent et les voitures sans chevaux préoccupaient son esprit, tout autant que les spéculations mathématiques et philosophiques. Linné devint botaniste en aidant son père, qui était jardinier, dans son travail quotidien. Bref, pour ces grands génies, le travail manuel n'était point un obstacle à leurs recherches abstraites : il les favorisait.

D'autre part, si les ouvriers des temps passés ne trouvaient guère l'occasion d'acquérir le savoir scientifique, beaucoup d'entre eux avaient du moins leur intelligence stimulée par la variété même des travaux exécutés dans les ateliers, qui alors n'étaient pas spécialisés ; quelques-uns de ces artisans jouirent aussi des bienfaits d'un commerce familier avec des hommes de science. Le professeur Robinson comptait l'inventeur de la machine à vapeur moderne, Watt, et l'ingénieur Rennie parmi ses amis. Brindley, le constructeur de routes, qui ne gagnait pas trente sous par jour, fréquentait des hommes instruits, et c'est ainsi qu'il développa ses remarquables aptitudes pour l'art de l'ingénieur. Un fils de famille aisé pouvait, en « flânant » dans la forge d'un charron, se préparer à devenir plus tard un Smeaton ou un Stephenson.

Nous avons changé tout cela. Sous prétexte d'appliquer le principe de la division du travail,