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Page:Kropotkine Champs, usines et ateliers.djvu/363

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nous avons creusé un fossé entre le travailleur intellectuel et le travailleur manuel. La masse des ouvriers ne reçoit pas encore une éducation plus scientifique qu'il y a deux ou trois générations. Mais ils ont été privés de l'éducation qu'ils acquéraient dans les petits ateliers, et leurs enfants sont envoyés dès l'âge de 13 ou 14 ans à la mine où à la fabrique, où ils s'empressent d'oublier le peu de choses qu'ils ont appris à l'école primaire. Quant aux hommes d'étude, ils méprisent le travail manuel. Combien parmi eux seraient capables aujourd'hui de construire un télescope ou même un instrument plus simple ? La plupart ne sont même pas en état de dessiner un appareil scientifique, et une fois qu'ils ont donné au fabricant d'instruments une vague idée de ce qu'ils désirent, ils lui laissent le soin d'imaginer l'appareil dans tous ses détails. Ils ont même élevé le dédain du travail manuel à la hauteur d'une théorie.

« Le savant, disent-ils, doit découvrir les lois de la nature. C'est à l'ingénieur d'en trouver l'application, et à l'ouvrier d'exécuter en acier ou en bois, en fer ou en pierre, les modèles imaginés par l'ingénieur. L'ouvrier doit travailler avec des machines inventées pour lui, non par lui. Peu importe s'il ne les comprend pas et ne peut pas les perfectionner. C'est au savant et à l'ingénieur de faire progresser la science et l'industrie. »