Page:Kropotkine Champs, usines et ateliers.djvu/399

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nons, des milliers d'ouvriers seraient disposés à répondre à tout appel sérieux pour explorer des domaines inconnus. Darwin dépensa près de trente années de sa vie à recueillir et à analyser les faits nécessaires à l'élaboration de la théorie de l'origine des espèces. S'il eût vécu dans une société telle que nous la rêvons, il n'aurait eu qu'à lancer un appel, pour que par milliers des volontaires se missent à la recherche des faits requis et que des explorateurs se livrassent à des expérimentations partielles. Les centaines d'associations se seraient constituées pour débattre et résoudre chacun des problèmes impliqués dans la théorie, et en dix ans on en aurait déjà vérifié l'exactitude et découvert les côtés faibles. Tous les facteurs de l'évolution, auxquels aujourd'hui seulement on commence à accorder l'attention nécessaire, seraient dès lors apparus en pleine lumière. Les progrès scientifiques auraient été dix fois plus rapides, et si l'individu isolé n'aurait pas les mêmes droits qu'aujourd'hui à la reconnaissance de la postérité, la masse des volontaires inconnus aurait achevé l'œuvre bien plus rapidement, et elle aurait ouvert aux progrès à venir une perspective bien plus large que ne le pouvait faire un homme isolé au cours de son existence. Le dictionnaire de la langue anglaise, fait par Murray avec l'aide d'un millier de volontaires, est un exemple de ce genre de travail. C'est là la méthode de travail de l'avenir.