Aller au contenu

Page:Krudener - Valerie.djvu/103

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mais (ô étrange empire de la multitude sur les âmes les plus nobles et les plus belles !) le comte lui-même garda le silence. J’allois parler ; il me regarda froidement : un instinct secret m’avertit que je nuirois à la comtesse, et je me tus.

La marquise entra. Alors le comte se leva et s’approcha d’une fenêtre ; Valérie s’avança vers lui. J’entendis qu’il lui disoit : « Ma chère amie, vous auriez dû m’appeler ; vous êtes si vive ! tout le monde vous a attendue pour le dîner. « Je la vis chercher à se justifier. Je tremblois que son mari ne lui dît quelque chose de désagréable, car il ne pouvoit savoir que ce que les autres lui avoient peut-être mal rendu. Je vis à côté de moi un jeune enfant de la maison. « Mon ami, lui dis-je, allez vite souhaiter la bonne fête à Mme la comtesse de M…, cette jolie dame qui est là, et vous aurez du bonbon. — Est-ce sa fête aujourd’hui ? — Oui, oui, allez. » Il partit, et, avec sa grâce enfantine, il fit son petit compliment à Valérie, qui, déjà émue, le souleva, l’embrassa. Ce moyen me réussit. Comment le comte, rappelé à l’idée de la fête de Valérie, auroit-il voulu lui faire de la peine ce jour-là ? Je le vis prenant la main de sa femme ; je n’entendis pas ce qu’il lui disoit, mais elle sourit d’un air attendri.

Elle passa dans une pièce attenante pour arranger ses cheveux qui tomboient ; je restai à la porte sans oser la suivre. L’enfant alla auprès d’elle et lui dit : « Me donnerez-vous aussi du bonbon,