Aller au contenu

Page:Krudener - Valerie.djvu/109

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du souvenir que cette fête leur retraçoit. Le comte me dit les choses du monde les plus aimables ; sa femme, en me tendant la main, s’écria : « Bon Gustave ! jamais je n’oublierai cette charmante soirée et la salle des souvenirs. » Elle rentra ensuite avec le comte dans le bal. Je sortis pour respirer le grand air et m’abandonner pendant quelques instans à mes rêveries. En rentrant, je cherchois des yeux la comtesse au milieu de la foule, et, ne la trouvant pas, je me doutois qu’elle avoit cherché la solitude dans la salle des souvenirs. Je la trouvai effectivement dans l’embrasure d’une fenêtre : je m’approchai avec timidité ; elle me dit de m’asseoir à côté d’elle. Je vis qu’elle avoit pleuré ; elle avoit encore les larmes aux yeux, et je crus qu’elle s’étoit rappelé la petite discussion du matin. Je savois combien les impressions qu’elle recevoit étoient profondes, et je lui dis : « Quoi ! Madame, vous avez de la tristesse, aujourd’hui que nous désirons surtout vous voir contente ? — Non, me dit-elle ; les larmes que j’ai versées ne sont point amères : je me suis retracé cet âge que vous avez su me rappeler si délicieusement ; j’ai pensé à ma mère, à mes sœurs, à ce jour heureux qui commença l’attachement du comte pour moi ; je me suis attendrie sur cette époque si chère ; mais j’aime aussi l’Italie, je l’aime beaucoup », dit-elle. Je tenois toujours sa main, et mes yeux étoient fixement attachés sur cette main qui, deux ans auparavant, étoit