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Page:Krudener - Valerie.djvu/112

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sommes séduits par elle ; il faut que l’âme la retrouve quand les sens l’ont assez aperçue. L’âme ne se lasse jamais : plus elle admire, et plus elle s’exalte ; et c’est quand on sait l’émouvoir fortement qu’il ne faut que de la grâce pour créer la plus forte passion. Un regard, quelques sons d’une voix susceptible d’inflexions séduisantes, contiennent alors tout ce qui fait délirer. La grâce surtout, cette magie par excellence, renouvelle tous les enchantemens. Qui plus que vous, dis-je entraîné par le charme de son regard, de son maintien, a cette grâce ? Ô Valérie ! (je pris sa main) Valérie ! « dis-je avec un accent passionné. Son extrême innocence pouvoit seule lui cacher ce que j’éprouvois. Cependant je tremblois de lui avoir déplu, et, comme on jouoit dans cet instant une valse très animée, je la priai, avec la vivacité qu’inspiroit la musique, de danser avec moi, et, sans lui laisser le temps de réfléchir, je l’entraînai. Je dansois avec une espèce de délire, oubliant le monde entier, sentant avec ivresse Valérie presque dans mes bras, et détestant pourtant ma frénésie. J’avois absolument perdu la tête, et la voix seule de ce que j’aimois pouvoit me rappeler à moi. Elle souffroit de la rapidité de la valse, et me le reprochoit. Je la posai sur un fauteuil ; je la conjurai de me pardonner. Elle étoit pâle ; je tremblois d’effroi : j’avois l’air si égaré que Valérie en fut frappée. Elle me dit avec bonté : « Cela va mieux ; mais, une autre fois, vous serez plus pru-