Page:Krudener - Valerie.djvu/116

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ménien fume silencieusement son cigare ; tandis que, voilée et d’un pas léger, la femme du noble Vénitien, cachant à moitié sa beauté et la montrant cependant avec art, traverse cette place qui lui sert de promenade le matin, et le soir la voit, resplendissante de diamans, parcourir les cafés, visiter les théâtres, et se réfugier ensuite dans son casin, pour y attendre le soleil. Ajoute à tout cela, Ernest, le tumulte du quai qui avoisine Saint-Marc, ces groupes de Dalmates et d’Esclavons, ces barques qui jettent sur la rive tous les fruits des îles, ces édifices où domine la majesté, ces colonnes où vivent ces chevaux, fiers de leur audace et de leur antique beauté ; vois le ciel de l’Italie fondre ses teintes douces avec le noir antique des monumens ; entends le son des cloches se mêler aux chants des barcarolles ; regarde tout ce monde ; en un clin d’œil, tous les genoux sont ployés, toutes les têtes se baissent religieusement : c’est une procession qui passe. Observe ce lointain magique, ce sont les Alpes du Tyrol qui forment ce rideau que dore le soleil. Quelle superbe ceinture embrasse mollement Venise ! C’est l’Adriatique ; mais ses vagues resserrées n’en sont pas moins filles de la mer ; et, si elles se jouent autour de ces belles îles, d’où se détachent de sombres cyprès, elles grondent aussi, elles se courroucent et menacent de submerger ces délicieuses retraites.

Je me promène souvent, Ernest, sur ces quais