Page:Krudener - Valerie.djvu/122

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terme prescrit par la nature. Nous avions dîné plus tard qu’à l’ordinaire, parce que Valérie ne s’étoit pas trouvée bien ; vers la fin du repas, je l’ai vue pâlir et rougir successivement ; elle m’a regardé et m’a fait signe de me taire ; mais, après quelques minutes, elle a été obligée de se lever : nous l’avons suivie dans le salon, où elle s’est couchée sur une ottomane ; le comte inquiet a voulu sur-le-champ faire chercher un médecin. Valérie ayant passé dans sa chambre, je n’ai point osé l’y accompagner ; mais je suis entré dans une petite bibliothèque attenante, où je pouvois rester sans être vu. Là, j’entendois Valérie se plaindre, en cherchant à étouffer ses plaintes ; je ne sais plus ce que j’ai senti, car heureusement les douleurs ont un trouble qui empêche de les retrouver dans tous leurs détails, tandis que le bonheur a des repos où l’âme jouit d’elle-même, note, pour ainsi dire, ses sensations, et les met en réserve pour l’avenir.

Il ne m’est resté que des idées confuses et douloureuses de ces cruels momens. Quand Valérie paroissoit souffrir beaucoup, tout mon sang se portoit à ma tête, et j’en sentois battre les artères avec violence. J’étois debout, appuyé contre une porte de communication qui donnoit dans la chambre de la comtesse ; je l’entendois quelquefois parler tranquillement, et alors le calme revenoit dans mon âme. Mais que devins-je quand je l’entendis dire qu’elle avoit perdu une sœur en couches de son premier enfant ! Je frissonnai de