Page:Krudener - Valerie.djvu/127

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être. » Insensiblement ma tête s’exalta ; je tombai à genoux. Ô honte ! ô turpitude de mon cœur abject ! le croirois-tu, Ernest ? j’osois invoquer le Dieu du ciel et de la vertu, qui ne peut protéger que la vertu, qui la donna à la terre pour qu’elle nous fît penser à lui ; j’osois le prier dans ce lieu saint de me donner le cœur de Valérie. Je ne voyois qu’elle : les fleurs, leur parfum, la mélancolie du silence qui régnoit autour de moi, tout achevoit de jeter mon cœur dans ces coupables pensées. J’en fus tiré par un enfant de chœur ; il m’avoit apparemment appelé plusieurs fois, car il me secoua par le bras. « Signor, me dit-il, on va fermer l’église. » Il tenoit un cierge à la main ; je le regardois d’un air étonné ; absorbé dans mon délire, j’avois oublié le lieu sacré où je me trouvois. Le cierge incliné de l’enfant de chœur me montra la place où j’étois à genoux, c’étoit un tombeau : j’y lus le nom d’Euphrosine, et ce nom paroissoit être là pour citer ma conscience devant le tribunal du juge suprême. Tu le sais, Ernest, c’étoit le nom de ma mère, de ma mère descendue aussi au tombeau, et qui reçut mes sermens pour la vertu. Il me sembloit sentir ses mains glacées, lorsqu’elle les posa pour la dernière fois sur mon front pour me bénir ; il me sembloit les sentir encore, mais pour me repousser. Je me levai d’un air égaré ; je n’osois prier, je n’osois plus invoquer l’Éternel, et je revoyois Valérie mourante ; mon imagination me la montroit pâle et luttant