Page:Krudener - Valerie.djvu/131

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nous avons rencontré une femme qui étoit arrêtée devant une boutique du pont de Rialto. « Voilà une bien jolie personne », me dit le comte. Je l’ai regardée, et sa taille et ses cheveux m’ont rappelé Valérie ; j’ai eu envie de dire qu’elle ressembloit à la comtesse, mais je craignois que ma voix ne me trahît. Cependant, comme il y avoit beaucoup de bruit sur le pont et qu’il ne m’observoit pas, je le lui ai dit. « Nullement, m’a-t-il répondu, cette femme est extrêmement jolie ; Valérie a de la jeunesse, de la physionomie, mais jamais on ne la remarquera. » J’éprouvois quelque chose de douloureux, non pas que j’eusse besoin que d’autres que moi la trouvassent charmante, mais de penser que je l’aime avec une passion si violente, qu’elle est pour moi le modèle de tous les charmes, de toutes les séductions, et que jamais je ne pourrai lui exprimer un seul instant de ma vie ce que j’éprouve ; je n’osois dire au comte combien je le trouvois injuste. « Au moins, lui dis-je, on ne peut refuser à la comtesse le prix des vertus et de la beauté de l’âme. — Ah ! sans doute, c’est une excellente femme ; ce sera une femme bien essentielle, et, quand elle aura été plus dans le monde, elle sera même extrêmement aimable. »

Quoi ! Valérie, tu as besoin de plus de développement pour être extrêmement aimable ! Ton esprit, ta sensibilité, tes grâces enchanteresses, ne t’assignent-elles pas déjà la première de ces places qu’osent te disputer des femmes légères qui, avec