Page:Krudener - Valerie.djvu/132

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quelques mines, quelques grâces factices et de froides imitations de ce charme suprême que la vraie bonté seule donne, se croient aimables ! Comment peux-tu devenir meilleure, toi qui ne respires que pour le bonheur des autres ; qui, renfermée dans le cercle de tes devoirs, ne comptes tes plaisirs que par tes vertus ; emploies chaque moment de la vie au lieu de la dissiper ; diriges ta maison et la remplis des félicités les plus pures ! Moi seul serois-je donc destiné à te comprendre, à t’apprécier, et n’aurois-je eu cette faculté que pour devenir si malheureux ! Ces tristes réflexions avoient absorbé mon attention ; je marchois silencieusement à côté du comte et je me disois : « L’homme ne saura-t-il donc jamais jouir du bonheur que le Ciel lui donne ? Et cet homme si distingué, si bien fait pour être heureux par Valérie, ne se trouveroit-il pas en effet plus à envier et plus heureux qu’un autre ? Mais pourquoi, me disois-je, faut-il que le bonheur soit un délire ? Cette ivresse même avec laquelle l’amour le juge ne le dégrade-t-elle pas ? et ne vois-je pas le comte rendre chaque jour le plus beau des hommages à Valérie, lui confier son avenir, lui dire qu’elle embellit sa vie, et avoir besoin d’elle comme d’un air pur pour respirer ? » Mais j’avois beau me dire tout cela, je fînissois toujours par penser : « Ah ! comme je l’aimerois mieux ! »