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Page:Krudener - Valerie.djvu/140

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d’une orange, le parfum d’un fruit dont l’Italie entière est couverte, que je vois, que je sens tous les jours, me fit tressaillir, remplit d’une volupté inexprimable tous mes sens. Il y avoit quinze jours qu’assis auprès de Valérie, sur le balcon qui donne sur le Grand Canal, elle me parla de son voyage de Naples et du projet du comte de m’emmener avec lui ; je sentis mes joues brûlantes et mon cœur battre et défaillir tour à tour : tantôt de ravissantes espérances me transportoient aux bords de ce rivage enchanté ; Valérie étoit à mes côtés, et les félicités du ciel m’environnoient ; mais bientôt je soupirois, n’osant me livrer à ces images de bonheur ; forcé à plier sous la terrible loi que me prescrivoit le devoir, décidé à refuser ce voyage et n’ayant pas la force de prononcer mon propre arrêt. Valérie avoit engagé les autres à aller souper, se plaignant d’un léger mal de tête, et ne voulant manger que quelques oranges qu’elle me pria de lui apporter : nous étions restés seuls ; j’étois assis à ses pieds, sur un des carreaux de son ottomane ; je me livrois à la volupté d’entendre sa voix me dépeindre tous les plaisirs qu’elle se promettoit de ce voyage ; mon imagination suivoit vaguement ses pas ; et l’instant où je la voyois s’éloigner de moi jetoit un voile mélancolique sur toutes ces images. « Bientôt, dit-elle, nous verrons Pausilippe, et ce beau ciel que vous aimez tant. » Impatientée de ce que je ne partageois pas assez vivement ce qui l’enchantoit, elle me