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Page:Krudener - Valerie.djvu/141

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jeta quelques écorces d’orange. J’en vis une que ses lèvres avoient touchée, je l’approchai des miennes : un frisson délicieux me fit tressaillir ; je recueillis ces écorces ; je respirai leur parfum ; il me sembloit que l’avenir venoit se mêler à mes présentes délices : la douce familiarité de Valérie, sa bonté, l’idée de ne la quitter que pour peu de temps, tout fit de ce moment un moment ravissant. Je me disois qu’au sein des privations, condamné à un éternel silence, j’étois encore heureux, puisque je pouvois sentir cet amour, dont les moindres faveurs surpassoient toutes les voluptés des autres sentimens.

Voilà, mon ami, voilà le souvenir qui ce soir revint avec tant de charme ; et quand, assis sous le même ciel qui nous avoit couverts, Valérie et moi, environné d’obscurité et de l’air tiède et suave de l’Italie, le cœur toujours plein d’elle, je sentis ce même parfum, dis-moi, mon Ernest, quand tout se réunissoit pour favoriser mon illusion et me rappeler ce moment magique, mon délire étoit-il donc si étonnant ?




LETTRE XXX

Venise, le…

Elle est partie, je te l’ai déjà dit ; je te le répète, parce que cette pensée est toujours là pour appesantir mon existence. Il me semble que je traîne