j’ai pensé à mon fils et aux douces félicités que j’avois rêvées si souvent : je me suis retracé ce berceau où je ne l’ai couché que deux fois, ce berceau que je m’étois si délicieusement peint, tantôt éclairé par le premier rayon du soleil, et mon enfant dormant, tantôt moi-même m’arrachant au sommeil, murmurant sur lui de douces paroles pour l’endormir ; et je me disois : « Ô mon jeune Adolphe ! tu es tombé de mon sein comme une fleur de deux matins, et tu es tombé dans le cercueil ! et mes yeux ne te verront plus sourire ! » Et je me suis retirée dans l’embrasure d’une fenêtre, où j’ai abondamment pleuré, cherchant à cacher mes larmes. Mon mari, qui est survenu, a voulu me consoler. Vous savez combien cet être si aimable, si excellent, a de pouvoir sur moi ; mais ma douleur ne m’en a pas moins aussi ramenée à votre souvenir, à votre infatigable patience. Oh ! comme vous cherchiez toujours à calmer mes peines ! comme vous me parliez toujours de mon Adolphe ! Je n’ai rien oublié, Gustave. Je vous vois encore, à Lido, changer mon aride douleur en larmes mélancoliques, et cueillir auprès du tombeau de mon fils les roses que vous y aviez fait croître : ces fleurs, si souvent destinées au bonheur, me paroissoient mille fois plus belles par le triste contraste même de leur beauté et de la mort ; tant la pensée qui touche l’âme embellit tout !
Ces chers et tristes souvenirs m’ont donné le désir de les arrêter encore, de les fixer, et, si je quitte une fois Venise et la place où dort mon Adolphe, de les