emporter dans une terre où ils me rappelleront vivement Lido.
Mon mari désiroit depuis longtemps avoir mon portrait fait par la fameuse Angelica, et j’ai pensé qu’un tableau tel que j’en avois l’idée pouvoit réunir nos deux projets. Ma pensée a merveilleusement réussi ; jugez-en vous-même. N’est-ce pas Valérie, telle qu’elle étoit assise si souvent à Lido ; la mer se brisant dans le lointain, comme sur la côte où je jouois dans mon enfance ; le ciel vaporeux ; les nuages roses du soir, dans lesquels je croyois voir la jeune âme de mon fils ; cette pierre qui couvre ses formes charmantes, maintenant, hélas ! décomposées ; et ce saule si triste, inclinant sa tête comme s’il sentait ma douleur ; et ces grappes de cytise, qui caressent en tombant la pierre de la mort ; et, dans le fond, cette antique abbaye où vivent de saintes filles, qui ne seront jamais mères, dont la voix nous paroissoit la musique des anges ? N’est-ce pas le tableau fidèle de cette scène d’attendrissante douleur ? Quelque chose y manque encore : c’est l’ami qui consoloit Valérie et ne l’abandonnoit pas à sa morne douleur ; c’est Gustave. Peut-il la croire assez ingrate pour l’avoir oublié ? Valérie ne pouvoit le placer lui-même dans le tableau ; mais il y est pourtant, il s’y reconnoîtra. Qu’il se rappelle le 15 novembre, où j’étois allée seule à Lido, où, dans une sombre tristesse, mes yeux restoient attachés sur la tombe d’Adolphe : Gustave accourut ; il apportoit un jeune arbuste, qu’il vouloit planter près de