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Page:Krudener - Valerie.djvu/155

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me présage je ne sais quoi de triste, et même de sombre. Gustave, Gustave, tu m’effrayes souvent… Je voudrois partir, te voir, me rassurer sur ta destinée. Cher ami, je le sens, je ne puis plus vivre sans toi… J’irai t’arracher à ces funestes lieux. Tu le sais, sous cette apparence de calme, ton ami porte un cœur sensible, et c’est peut-être cette même sensibilité qui a trouvé dans l’amitié de quoi suffire doucement à mon cœur.

Je continuerai ma lettre demain ; je t’écrirai du château de tes pères, et, ne pouvant être avec toi, je visiterai ces lieux témoins de nos premiers plaisirs.


Je t’écris de ta chambre même, que j’ai fait ouvrir et dans laquelle j’ai encore trouvé mille choses à toi ; j’ai tout regardé, ton fusil, tes livres : il me sembloit que j’étois seul au monde avec tous ces objets. J’ai feuilleté un de tes philosophes favoris : il parloit du courage, il enseignoit à supporter les peines, mais il ne me consoloit pas, je l’ai laissé là ; puis j’ai ouvert la porte qui donne sur la terrasse, je suis sorti. La nuit étoit claire et très froide ; des milliers d’étoiles brilloient au firmament. J’ai pensé combien de fois nous nous étions promenés ensemble, regardant le ciel, oubliant le froid, cherchant parmi les astres la Couronne d’Ariane, dont l’amour et les malheurs te touchoient tant, et l’étoile polaire, et Castor et Pollux, qui s’aimoient comme nous : leur amitié fut