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Page:Krudener - Valerie.djvu/159

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sentiment qui ne demandoit qu’à se développer. La raison m’avoit ordonné de la quitter ; mais, dans cet instant, tous ces aimables souvenirs revinrent à ma mémoire, et je me rappelai vivement cet été tout entier passé avec elle. Hélène s’approcha de moi, sur l’ordre de son père ; elle me salua une seconde fois, et avec plus de timidité que la première. Le vieillard fit apporter du vin de Malaga, qu’on versa dans une coupe d’argent, pour me faire boire, selon l’usage, à la santé des futurs époux. Hélène, pour suivre encore la coutume, porta cette coupe à ses lèvres, puis elle mêla présenta en baissant les jeux. Je rougis, Gustave, je rougis prodigieusement. Je me rappelai qu’autrefois, quand j’étois à table auprès d’Hélène et que cette même coupe faisoit la ronde, mes lèvres cherchoient la trace des siennes ; maintenant tout m’ordonnoit une conduite opposée. Ma jeune amie s’en aperçut, et je vis ce front si pur se couvrir aussi de rougeur. Je sortis précipitamment et fis quelques tours de promenade dans le petit jardin, où je vis encore des arbres que nous avions plantés ensemble. La lune s’étoit levée ; j’étois redevenu calme comme elle : je m’applaudis de n’avoir pas troublé le cœur d’Hélène par une passion qui auroit pu être douloureusement traversée, de n’avoir pas aussi affligé ma mère ; et je me composai, du bonheur d’Hélène que je voyois déjà heureuse épouse et mère, une suite d’images qui me consoloient de ce que j’avois perdu.