Aller au contenu

Page:Krudener - Valerie.djvu/288

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

écarta les rideaux, se retourna et contempla ce magnifique spectacle. Pour moi, qui avois suivi toutes ses idées, de noirs pressentimens, d’affreuses images, me glaçoient ; j’étois assis sur son lit, et ma tête étoit dans mes mains. Il leva les siennes au ciel avec un regard inspiré, et me dit : « Laissons la douleur à celui pour qui la vie est tout, et qui n’est pas initié dans les mystères de la mort. — Hélas ! lui dis-je, l’avenir m’épouvante malgré moi, Gustave. — Oh ! que je bénis le Ciel, dit-il, de l’espérance et de la tranquillité qui se confondent dans mon cœur et le rendent aussi serein que le sera ce jour ! Oui, dit-il, et sa figure s’anima de la plus céleste expression en regardant l’horizon ; oui, ô mon Dieu ! l’aurore répond du soleil ; ainsi le pressentiment répond de l’immortalité ! » Il répandit doucement alors les deux dernières larmes qu’il a versées sur cette terre ; il ne parla plus. Il pria qu’on lui jouât le superbe cantique de Gellert sur la résurrection ; Berthi le joua. Il respiroit péniblement ; il avoit presque toujours les yeux fermés : un instant il les ouvrit quand le cantique fut fini ; il me tendit la main, fixa ses yeux du côté du couchant. Deux ramiers privés vinrent s’asseoir sur la corniche de la fenêtre ; il me les fit remarquer de la main. « Ils ne savent pas que la mort est si près d’eux », dit-il.

Le soleil s’étoit entièrement levé ; je voyois que Gustave cherchoit ses rayons. Sa respiration s’embarrassoit de plus en plus ; sa tête s’appesantit ; il