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Page:Krudener - Valerie.djvu/44

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rouler d’autres cieux, entendoit gronder de plus terribles orages ! quand, assis ensemble sur ce rocher qui se séparoit des autres et qui nous donnoit l’idée de l’indépendance et de la fierté, nos cœurs battoient tantôt de mille pressentimens confus, tantôt se rejetoient dans la sombre antiquité, et voyoient sortir de ces ténèbres nos héros favoris ! Où sont-ils, ces jours radieux de fortes et de douces émotions ? Je t’ai quitté, aimable compagnon de ma jeunesse, sage ami qui réglois les mouvemens trop désordonnés de mon cœur, et endormois mes tumultueux désirs aux accens de ton âme ingénieuse et inspirée ! Cependant, Ernest, je suis quelquefois presque heureux ; il y a un charme enivrant dans ce voyage, qui souvent me ravit ; tout s’accorde bien avec mon cœur, et même avec mon imagination. Tu sais comme j’ai besoin de cette belle faculté, qui prend dans l’avenir de quoi augmenter encore la félicité présente ; de cette enchanteresse qui s’occupe de tous les âges et de toutes les conditions de la vie, qui a des hochets pour les enfans, et donne aux génies supérieurs les clefs du ciel, pour que leurs regards s’enivrent de hautes félicités… Mais où vais-je m’égarer ? Je ne t’ai rien dit encore du comte. Il a reçu toutes ses instructions ; il va décidément à Venise, et cette place est celle qu’il désiroit. Il se plaît dans l’idée que nous ne nous séparerons pas, qu’il pourra me guider lui-même dans cette nouvelle carrière où il a voulu que j’entrasse, et qu’il pourra, en achevant