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Page:Krudener - Valerie.djvu/47

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pieds notre antique demeure ; ces créneaux, ces fossés, si longtemps couverts de glaces, sur lesquels nous nous exercions, la lance à la main, à des jeux guerriers, glissant sur cette glace comme sur nos jours, que nous n’apercevions pas. Le printemps revenoit ; nous escaladions le rocher ; nous comptions alors ces vaisseaux qui venoient de nouveau tenter nos mers ; nous tâchions de deviner leur pavillon ; nous suivions leur vol rapide ; nous aurions voulu être sur leurs mâts, comme les oiseaux marins, les suivre dans des régions lointaines. Te rappelles-tu ce beau coucher du soleil, où nous célébrâmes ensemble un grand souvenir ? C’étoit peu après l’équinoxe. Nous avions vu la veille une armée de nuages s’avancer en présageant la tempête : elle fut horrible ; tous deux nous tremblions pour un vaisseau que nous avions découvert ; la mer étoit soulevée et menaçoit d’engloutir tous ces rivages. À minuit, nous entendîmes les signaux de détresse. Ne doutant pas que le vaisseau n’eût échoué sur un des bancs, mon père fit au plus vite mettre des chaloupes en mer ; au moment où il animoit les pilotes côtiers, il ne résista pas à nos instances, et, malgré le danger, il nous permit de l’accompagner. Oh ! comme nos cœurs battoient ! comme nous désirions être partout à la fois ! comme nous aurions voulu secourir chacun des passagers ! Ce fut alors que tu exposas si généreusement ta vie pour moi. Mais il faut rester fidèle à ma promesse ; il faut ne point te parler de