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Page:Krudener - Valerie.djvu/46

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mais, en le connoissant davantage, on n’hésite pas : c’est ce qu’il tire de son cœur qu’on préfère ; c’est quand il s’abandonne et qu’il se découvre entièrement qu’on le trouve si supérieur. Il nous dit quelquefois qu’il ne peut être aussi jeune dans le monde qu’il l’est avec nous, et que l’exaltation iroit mal avec une ambassade.

Si tu savois, Ernest, comme notre voyage est agréable ! Le comte sait tout, connoît tout, et le savoir en lui n’a pas émoussé la sensibilité. Jouir de son cœur, aimer et faire du bonheur des autres le sien propre, voilà sa vie ; aussi ne gêne-t-il personne. Nous avons plusieurs voitures, dont une est découverte ; c’est ordinairement le soir que nous allons dans celle-là. La saison est très belle. Nous avons traversé de grandes forêts en entrant en Allemagne ; il y avoit là quelque chose du pays natal qui nous plaisoit beaucoup. Le coucher du soleil surtout nous rappeloit à tous des souvenirs différens que nous nous communiquions quelquefois ; mais le plus souvent nous gardions alors le silence. Les beaux jours sont comme autant de fêtes données au monde ; mais la fin d’un beau jour, comme la fin de la vie, a quelque chose d’attendrissant et de solennel : c’est un cadre où vont se placer tout naturellement les souvenirs, et où tout ce qui tient aux affections paroît plus vif, comme au coucher du soleil les teintes paroissent plus chaudes. Que de fois mon imagination se reporte alors vers nos montagnes ! Je vois à leurs