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Page:Krudener - Valerie.djvu/64

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sieurs traits de sa vie qui mériteroient d’être publiés pour faire l’admiration de tous ceux qui savent sentir et aimer le beau. Nous avons mêlé nos tristes et profonds regrets, et parlé de cette belle espérance que l’Être suprême laissa surtout à la douleur : car ceux-là seuls qui ont beaucoup perdu savent combien l’homme a besoin d’espérer. À mesure que le comte parloit, je sentois mon affection pour lui s’augmenter de toute sa tendresse pour mon père. « Quelle douce immortalité, pensois-je, que celle qui commence déjà ici-bas dans le cœur de ceux qui nous regrettent ! »

Que j’aimois cet homme si bon qui sait connoître ainsi l’amitié ! l’amitié que tant d’hommes croient chérir, et que si peu savent honorer dans tous ses devoirs ! Comme mon cœur éprouvoit alors ce sentiment pour le comte ! J’y mêlois ce qui le rend à jamais sacré, la reconnoissance. Il me sembloit que mon cœur épuré ne contenoit plus que ces heureuses affections qui se réfléchissoient doucement sur Valérie. Nous nous étions assis, la lune s’étoit levée, les lumières s’éteignoient peu à peu dans le village, quelques chevaux paissoient autour de nous, et les eaux argentées et rapides d’un ruisseau nous séparoient de la prairie. « J’ai de tout temps aimé passionnément une belle nuit, dit le comte, il me semble qu’elle a toujours mille secrets à dire aux âmes sérieuses et tendres ; je crois aussi que j’ai conservé cette prédilection pour la nuit, parce qu’on me tour-