Aller au contenu

Page:Krudener - Valerie.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rité (je ne devrois pas le regretter, puisqu’il pouvoit me conduire à des remords), mais je perdrai peut-être la confiance de Valérie, elle commençoit à me témoigner de l’amitié. Hier, en arrivant dans la ville où nous devions coucher, j’ai vite demandé ma chambre. « Allez-vous donc encore vous enfermer ? m’a-t-elle dit ; vous devenez bien sauvage. » Elle avoit l’air mécontent en disant cela ; je l’ai suivie, j’ai arrangé le feu, porté des paquets, taillé des plumes pour le comte, afin de cacher l’embarras que me donne une situation toute nouvelle. Je croyois, à force d’attentions qui rappeloient la politesse, suppléer à toutes ces inspirations du cœur qui ne sont nullement calculées. Aussi Valérie s’en est-elle aperçue. « On croiroit, dit-elle, que nous vous avons reproché de ne pas assez vous occuper de nous, et que vous voulez nous cacher que vous vous ennuyez. » Je me suis tu ; il m’étoit également impossible et de la tirer de son erreur, et de ne lui dire que quelques phrases qui n’eussent été qu’agréables. J’avois l’air sûrement bien triste, car elle m’a tendu la main avec bonté, et m’a demandé si j’avois du chagrin. J’ai fait un signe de tête comme pour dire oui, et les larmes me sont venues aux yeux.

Ernest, je suis triste, et ne veux pas m’occuper de ma tristesse. Je te quitte, pardonne-moi ces éternelles répétitions.