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Page:Krudener - Valerie.djvu/68

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LETTRE IX

Arnam, le 4 mai.


Je suis extrêmement troublé, mon ami, je ne sais ce que tout cela deviendra ; sans que je l’eusse voulu, Valérie s’est aperçue qu’il y avoit quelque chose d’extraordinaire et d’affligeant dans mon cœur. Elle m’a fait appeler ce soir pour tirer des papiers d’une cassette que Marie ne pouvoit pas ouvrir. Le comte étoit sorti pour se promener. Ne voulant pas sortir brusquement, j’ai pris un livre et lui ai demandé si elle désiroit que je lui lusse quelque chose. Elle m’a remercié, en disant qu’elle alloit se coucher. « Je ne suis pas bien », a-t-elle ajouté ; puis, me tendant la main : « Je crois que j’ai de la fièvre. » Il a bien fallu toucher sa main : j’ai frissonné ; je tremblois tellement qu’elle s’en est aperçue. « C’est singulier, a-t-elle dit, vous avez si froid, et moi, si chaud ! » Je me suis levé avec précipitation, voyant qu’elle étoit debout devant moi ; je lui ai dit qu’en effet j’avois très froid et très mal à la tête. « Et vous vouliez vous gêner et rester ici pour me faire la lecture ? — Je suis si heureux d’être avec vous, ai-je dit timidement. — Vous êtes changé depuis quelque temps, et je crains bien que vous ne vous ennuyiez quelquefois. Vous regrettez peut-être votre patrie, vos anciens