Aller au contenu

Page:Krudener - Valerie.djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à exposer cette jeune et charmante Valérie ; j’ai beaucoup souffert, et le comte s’en est aperçu. Il m’a dit avec bonté : « Vous ne m’écoutez pas » ; et, voyant que je portois la main à ma tête, il m’a demandé si j’étois malade. « Je vous trouve changé. — Oui, je suis malade », lui ai-je répondu ; et, rejetant sur les poêles d’Allemagne, qui sont de fonte, un mal de tête que j’éprouvois réellement, j’ai remercié le comte de sa bonté toujours attentive pour moi ; je lui ai dit que son bonheur m’étoit mille fois plus cher que le mien, et c’étoit vrai. Au dîner, je n’ai osé rester dans ma chambre de peur de voir arriver le comte chez moi, de me voir interroger ; et cependant j’éprouvois un embarras extrême, j’étois tourmenté par l’idée de revoir Valérie. Il me sembloit que tout étoit changé autour de moi, singulier effet de l’altération de ma raison. Depuis quelque temps je deviens réellement fou ; les tendres attentions du comte pour Valérie m’avoient toujours rappelé celles d’un frère, d’un ami : il est si calme ! il a tant de dignité dans sa manière de l’aimer ! Valérie est si jeune !

En entrant dans l’antichambre de la comtesse, j’ai vu un homme qui sortoit de chez elle : il avoit l’air fort grave ; il me sembloit qu’il secouoit la tête en mettant une espèce de surtout qui étoit jeté sur une chaise : mon cœur a battu violemment ; j’ai cru que c’étoit un médecin, et que Valérie n’étoit pas bien ; j’ai voulu lui parler, je