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Page:Krudener - Valerie.djvu/83

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s’en saisir. — Voilà comment, dit le comte, Valérie promettoit déjà de devenir une bonne petite maman. — Je n’étois pas toujours si raisonnable, poursuivit Valérie ; quelquefois je me plaisois à tourmenter mes sœurs : j’étois la seule qui sût bien conduire une petite barque que nous avions, et qui étoit très légère ; je l’éloignois du rivage, fière de ma hardiesse et n’écoutant pas leurs menaces ; seulement, quand elles me prioient et m’appeloient leur chère Valérie, je savois bien vite revenir adroitement au port. Qu’il étoit charmant, ce petit lac, où le vent jetoit quelquefois les pommes de pin de la forêt, ce lac au bord duquel croissoient des sorbiers avec leurs grappes rouges, que je venois cueillir pour mes oiseaux, tandis que sur les branches des sapins se balançoient de jeunes écureuils en se mirant dans les ondes ! »

Nous fûmes interrompus par le bruit des voitures qui vinrent nous enlever à ces doux souvenirs de l’enfance de Valérie, où je la voyois, plus jeune, plus délicate encore, courir sous les sapins, attacher ses yeux d’un bleu sombre, avec leurs regards si tendres, sur la petite famille qu’elle protégeoit : il me sembloit que je ne l’aimois plus que comme une sœur. Ainsi les scènes de l’innocence ramenèrent un moment dans mon cœur le sentiment qu’il m’est permis d’avoir pour elle. Nous remontâmes dans la berline, qui s’avançoit lentement le long de l’Adige ; les femmes de la comtesse nous suivoient dans l’autre voiture. C’est