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Page:Krudener - Valerie.djvu/82

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quelque grand malheur qui vous arrivera ; vous êtes tombé dans un cimetière, et vous verrez que Valérie s’attribuera vos désastres. » Je ne puis te dire, Ernest, ce que j’éprouvai ; je tressaillis. « Peut-être, pensai-je, vient-il m’avertir de mon destin, et d’une main amie m’empêcher de tomber dans le précipice que me creuse une passion insensée. — Asseyez-vous tous deux ici, nous dit Valérie, et ne vous moquez plus de moi. Vous rappelez-vous, mon ami, dit-elle au comte, la belle collection de papillons que possédoit mon père ? Oh ! comme on aime ces souvenirs de l’enfance ! comme elle étoit jolie, cette maison de campagne ! — Ne me parlez pas, répondit le comte, de ces tristes sapins ; j’ai la passion des beaux pays. — Et moi, dit Valérie, je voudrois avoir écrit tant de choses, si simples qu’elles ne sont rien par elles-mêmes, et qui me lient pourtant si fortement à ces sapins, à ces lacs, à ces mœurs, au milieu desquels j’ai appris à sentir et à aimer. Je voudrois qu’on pût se communiquer tout ce qu’on a éprouvé ; qu’on n’oubliât rien de ce bonheur de l’enfance, et qu’on pût ramener ses amis, comme par la main, dans les scènes naïves de cet âge. Il y avoit une grange auprès de la maison, où revenoit toujours une hirondelle avec laquelle je m’étois liée d’amitié ; il me sembloit qu’elle me connoissoit ; quand le départ pour la campagne étoit retardé, je tremblois de ne plus retrouver mon hirondelle ; je défendois son nid, quand mes jeunes compagnes vouloient