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Page:Krudener - Valerie.djvu/88

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coqs de bruyères s’agitoient dans leurs nids et sembloient appeler le jour par leurs chants ou plutôt par leur murmure matinal ; enfin je passai près du lac d’Ullen. La fraîcheur qui précède l’aurore commençoit à se faire sentir ; je vis sur ces bords quelques canards sauvages qui, à mon approche, secouèrent leurs ailes et leur tête appesantie de sommeil. D’abord je voulus tirer sur eux, puis je leur laissai gagner tranquillement la largeur du lac. Je doublai le petit cap, et m’enfonçai dans la forêt. Je marchois sous les hauts sapins, n’entendant que le bruit de mes pas, qui quelquefois glissoient sur les aiguilles des rameaux dont la terre étoit jonchée. En attendant, le court intervalle entre la nuit et l’aurore s’étoit passé. J’arrivai à la chaumière du bon André ; j’entrai dans l’enceinte de ce petit enclos, où tant de fois nous étions venus ensemble : tout dormoit encore ; les animaux seuls venoient de se réveiller, ils paroissoient me recevoir avec plaisir. Je m’assis un instant, et je respirai l’air pur du matin. Je considérai autour de moi ces ustensiles si simples, si propres, et je pensai à la paix qui habitoit cette demeure. Je passai une partie de la journée dans cette ferme, et je m’assis pendant le gros de la chaleur sous ce vieux chêne si épais, où le soleil, dans toute sa force, ne parvenoit à jeter, à travers les branches, que quelques feuilles dorées qui tomboient çà et là ; des colombes des champs filoient au-dessus de ma tête ; les souvenirs de notre jeunesse m’envi-