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Page:Krudener - Valerie.djvu/87

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ma course. Il avoit fait si chaud pendant la journée que la fraîcheur me parut délicieuse. Je passai d’abord par le Bocage des Nymphes, que nous avions nommé ainsi parce que nous aimions à y lire Théocrite. Un vent frais agitoit les souples et légers bouleaux ; ces arbres exhaloient une forte odeur de rose : ce parfum me rappela vivement le souvenir de notre première course ; c’étoit dans la même saison, à la même heure et avec le même projet que nous partîmes ensemble. Je m’assis à l’entrée du bocage, sur une des larges pierres qui sont au bord de la fontaine, et où l’on vient encore abreuver les vaches du village. Tout étoit calme, je n’entendois dans le lointain que les aboiemens des chiens de la ferme qui est à l’ouest. J’entendis sonner onze heures à la cloche du château ; et cependant il faisoit encore assez clair pour me permettre de lire sans difficulté ta dernière lettre ; les expressions de ta tendresse m’émurent vivement, et le trouble de ton malheureux amour me fit éprouver quelque chose d’inexprimable. Au milieu de cette tranquille nuit et de ces tranquilles campagnes, un vent chaud souffloit dans les feuilles ; il me sembloit qu’il venoit d’Italie pour m’apporter quelque chose de toi. Je fus tiré de ma rêverie par un jeune garçon qui faisoit marcher devant lui des bœufs qu’il conduisoit à la ville la plus voisine ; il chantoit monotonement quelques paroles sur l’air des montagnes ; il s’arrêta auprès de la fontaine pour se reposer ; je continuai ma marche ; de jeunes