Page:Krudener - Valerie.djvu/98

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étonnant à la vérité, cette grâce de convenance, qui appartient plus ou moins à un peuple ou à une nation, ceux-là, dis-je, n’ont pas l’idée de la danse de Valérie.

Tantôt, comme Niobé, elle arrachoit un cri étouffé à mon âme déchirée par sa douleur ; tantôt elle fuyoit comme Galatée, et tout mon être sembloit entraîné sur ses pas légers. Non, je ne puis te rendre tout mon égarement, lorsque, dans cette magique danse, un moment avant qu’elle finît, elle fit le tour de la salle en fuyant, ou en volant plutôt sur le parquet, regardant en arrière, moitié effrayée, moitié timide, comme si elle étoit poursuivie par l’Amour. J’ouvris les bras, je l’appelai ; je criois d’une voix étouffée : « Valérie ! ah ! viens, viens, par pitié ! C’est ici que tu dois te réfugier ; c’est sur le sein de celui qui meurt pour toi que tu dois te reposer. » Et je fermois les bras avec un mouvement passionné, et la douleur que je me faisois à moi-même m’éveilla, et pourtant je n’avois embrassé que le vide ! Que dis-je ? le vide ! non, non : tandis que mes yeux dévoroient l’image de Valérie, il y avoit dans cette illusion, il y avoit de la félicité.

La danse finit : Valérie, épuisée de fatigue, poursuivie d’acclamations, vint se jeter sur la croisée où j’étois. Elle voulut l’ouvrir en la poussant en dehors ; je l’arrêtai de toutes mes forces, tremblant qu’elle ne prît l’air. Elle s’assit, appuya sa tête contre les carreaux : jamais je n’avois été