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Page:Krysinska - Intermèdes, 1903.djvu/26

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Il nous a été donné de faire l’expérience de ces nouveautés sur l’oreille moderne, dans une longue série d’auditions au théâtre de la Bodinière, où Mme Segond Weber — à sa première année de retour à Paris, après un inexplicable exil — obtint, dans ces récitations, commentées de belles musiques (de M. Paul Bergon), de véritables triomphes.

Il semblait que l’auditoire eût goûté la sensation de retrouver le langage conforme aux usages de la causerie, élevé au ton de la poésie, rythmé rationnellement.

Quelques mois après, M. Catulle Mendès et M. Kahn, organisaient à l’Odéon les matinées de Poésie ancienne et moderne. La formule nouvelle y était encore révélée aux masses par la même merveilleuse Segond Weber ; mais, cette fois, avec des vers de M. Kahn et de M. René Ghil et le public quittait la salle en disant que c’était, sans doute, beau — la nouveauté — mais pas très clair.


VIII


Depuis quinze ans, les poètes protagonistes de la formule libre se sont multipliés[1].

Il y eut comme sur tous les terrains d’art et dans toutes les levées en masse, des œuvres de valeur et un ramassis

  1. Le cas n’est pas neuf. Déjà, en 1555, lors de la réforme de du Bellay, Pasquier écrivait à Ronsard : « En bonne foi, on ne vit jamais en la France, telle foison de poètes ; je crains qu’à la longue, le peuple ne s’en lasse. Mais c’est un vice qui nous est propre, que soudain nous voyons quelque chou succéder heureusement à quelqu’autre, chacun veut être de sa partie. »