Page:Krysinska - Rythmes pittoresques, 1890.djvu/8

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l'étude du contemporain, écrasée par la maëstria du roman, elle remporta des victoires dernières sur le domaine de la Tradition. Ainsi elle ralliait son origine, réapparaissait une mnémonique habile, fixatrice, conservatrice de ce qu'il y a de légendaire dans notre forte et positive civilisation. Mais ces victoires lui ont coûté : le vieux budget des métaphores et des cadences, des effets de nombre et de rime, le vieux budget s’y est tari :

Les cygnes, les lys, les papillons et les roses, les rossignols et les étoiles, les grand souffles de l'alexandrin, la jolie ciselure du sonnet, la grâce de la ballade, tout cela apparaît tellement fatigué en face de la merveilleuse jeunesse de la prose.

Pourtant la poésie prosodique n’est pas morte et ne doit point périr de sitôt ; j'estime qu’elle peut et doit évoluer, qu’elle doit traverser plusieurs phases encore avant de se fondre définitivement. À quelles conditions pourra-t-elle se sauver ? La première, l’essentielle, c’est qu’il se trouve un poète, un large et vigoureux cerveau qui s’attache à reconstituer une métrique et des cadres, ou plutôt, car cette métrique et ces cadres existent, qui veuille bien se servir des nouveaux moules pour y couler des chefs-d’œuvre. Notre génération ne perd donc pas son temps lorsqu’elle détruit les vieux systèmes, lorsqu’elle s’efforce de transformer l’emploi de la rime, de la cadence, du nombre ou de la forme, lorsqu’elle établit de frais dispositifs capables de rem-