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l’orchestre

alternativement par un chanteur français et par un allemand la même mélodie, soit française, soit allemande ; vous serez surpris, au delà de toute attente, des différences qui se manifesteront non seulement dans l’expression donnée au même chant par ces deux interprètes, mais encore dans la façon de le rythmer et de le phraser. Le contraste devient plus sensible à mesure qu’on s’éloigne des formes usuelles de la musique du centre de l’Europe ; en passant, par exemple, à la musique hongroise, russe ou espagnole. Là, les types mélodiques et harmoniques sont généralement très caractérisés ; ils sont peut nombreux, il est vrai, et assez uniformes, seulement ils acquièrent une variété et une couleur souvent extraordinaire par la façon particulière aux nationaux de les exécuter. Qui ne les a pas entendus par des artistes du pays ne peut soupçonner vraiment toute leur richesse.

Ceci est vrai non seulement pour la musique populaire ; cela s’applique également aux œuvres de style. L’andante de Beethoven ne se conçoit pas en dehors de la mélodie allemande, naïve et simple. La symphonie de Haydn est inséparable des chansons bon enfant et des danses populaires du pays viennois. Jouez Haydn sans le rythmer fortement, il perd toute couleur et tout nerf ; interprétez Beethoven avec trop de recherche, il s’affadit, il perd toute grandeur.

L’essentiel est donc, dans l’interprétation instrumentale, de saisir et de rendre l’accent de la musique qu’on joue. Il y a vingt ans, personne n’entendant Schumann en France. On le déclarait inintelligible ; pièces de piano, mélodies, symphonies ou quatuors, tout pa-