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temps moral d’accentuer cette combinaison thématique où l’on passe rapidement de la plus grande énergie à un sentiment de bien-être[1]. Comme, vers la fin du 3/4 cette même combinaison est traitée d’une façon plus large et acquiert une importance décisive, l’observation de cette nuance est indispensable et peut seule donner à toute l’ouverture un sens nouveau et le seul vrai. »

On voit avec quel souci du détail, un maître tel que Wagner examinait les moindres nuances des œuvres qu’il avait à diriger. Et en effet, l’on ne saurait assez y insister : de ces nuances dépend toute la diction musicale, qu’il s’agisse du chant proprement dit ou de musique instrumentale.

  1. L’Annuaire du Conservatoire royal de Bruxelles a publié récemment une traduction complète de l’opuscule de Richard Wagner Sur l’Art de diriger (année 1888 et 1889). Je crois devoir relever une interprétation risquée, donnée à ce passage par le traducteur qui suit d’ailleurs avec une grande fidélité l’original, encore que la littéralité de sa traduction rende parfois très pénible la lecture du travail de Wagner. Il traduit ainsi le passage qu’on vient de lire : « lorsque le mouvement jusque-là d’une animation passionnée est modifié suffisamment par un ritenuto très tendu, bien qu’à peine indiqué, afin que l’orchestre etc. » Wagner ne parle pas de ritenuto. Il emploie les mots : strafferes Anhalten, littéralement : maintien plus rigoureux, plus strict, – qu’il oppose à leidenschaftlich erregtes Tempo, mouvement passionnément animé. J’avoue ne pas très bien comprendre ce qu’est un ritenuto très tendu ; et ce mot italien ritenuto qui a un sens déterminé dans la terminologie musicale me parait dangereux, car il pourrait faire croire que Wagner, pour le passage en question, recommande un ralentissement. J’ai le souvenir vague d’avoir entendu en effet quelque part l’ouverture d’Egmont avec un ralentissement, un ritenuto à l’endroit indiqué. Le chef d’orchestre avait probablement lu l’Art de diriger dans l’Annuaire du Conservatoire de Bruxelles. Wagner ne veut pas un ralentissement ; il veut une opposition, que qui est tout différent, et cette opposition le chef d’orchestre l’obtiendra, dit-il, en remplaçant le mouvement passionnément animé par le mouvement strictement soutenu. Il me semble que cela est très rationnel et très-clair.