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l’art de diriger

sous quelque chef qu’il jouât, – maîtres français, allemands ou russes de passage à Bruxelles – jamais je n’ai trouvé en lui ce fondu, cet ensemble harmonieux, cette cohésion de sonorité si remarquable dans les bons orchestres de Paris et même dans les plus secondaires orchestres d’Allemagne. Seul Hans Richter a pu obtenir de lui cette qualité qui lui faisait défaut. C’est que, seul, je crois, il s’est rendu compte tout de suite de l’origine du mal.

« Messieurs, jouez piano », criait-il sans cesse aux exécutants, pendant les répétitions de son concert.

Et aussitôt après il ajoutait : « Quand il y a un piano de marqué, jouez pianissimo ; quand il y a un double pp, jouez de façon qu’on ne vous entende plus. »

J’attribue à cette recommandation incessamment répétée le surprenant résultat atteint, comme en se jouant, par M. Richter.

Les excellents musiciens de l’orchestre bruxellois sont, je crois, trop virtuoses ; et ils jouent comme tels, avec l’archet à la corde, en faisant vibrer constamment le son. Voilà le vice.

Quand plusieurs instrumentistes jouent ensemble, leur premier devoir est de ne plus songer à leur personnalité, de s’abstraire dans l’œuvre commune : et le premier principe à observer, c’est que chacun atténue la sonorité de son instrument. Là est le secret. Il est connu de tous les bons quartettistes. Quand on fait partie d’un ensemble, jouer fort est une hérésie : il faut jouer doux. Il y a là une loi physique facile à saisir. Les deux nuances extrêmes, le pianissimo et le fortissimo, sont absolues au regard de notre sensation. Le pianissimo est