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l’orchestre

l’atténuation du son au dernier degré perceptible ; le fortissimo est l’amplification du son jusqu’à l’extrême limite de ce que peut supporter l’oreille. Représentons-nous mentalement le pianissimo exécuté par un seul violon ; or, voici cette nuance exigée d’un orchestre comprenant dix, quinze, vingt violonistes. Il est clair que pour se rapprocher le plus du pianissimo idéal, attendu et désiré par l’oreille, chacun des violonistes de l’orchestre devra atténuer dans une proportion très sensible ce qui représente déjà pour lui le maximum du pianissimo quand il joue en soliste.

Pour le forte la même proportionnalité doit se développer parallèlement. Si vous jouez avec une sonorité pleine tout le long du morceau, vous n’obtiendrez plus pour le fortissimo la véhémence et la plénitude de sonorité correspondantes à l’idée que nous nous formons de cette nuance. Il arrive alors, que dans l’effort suprême vers la plus grande sonorité possible les archets écrasent le son ; au lieu d’un grand son, ils n’arrivent à produire qu’un son forcé et l’ensemble devient rauque.

Pour que la gradation dans les deux sens, vers le forte comme vers le piano, conserve toute sa valeur, il faut donc que la nuance intermédiaire, le mezzo forte, la sonorité normale, si l’on veut, soit un peu en dessous de celle que donnerait chaque instrumentiste jouant un solo.

La grande difficulté, – et c’est un point sur lequel on ne saurait assez sérieusement appeler l’attention des chefs d’orchestre, – est de conserver une sonorité pleine et soutenue malgré cette atténuation de la sonorité de chaque instrument isolé.