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dement, avec cette sorte d’hésitation à la cadence ritardando, on n’imagine pas l’effet foudroyant que produit ensuite l’entrée subite et fortissimo des cors. On dirait une impérieuse affirmation venant brusquement repousser l’aspiration émue, mystérieuse comme une interrogation, qu’exprimait la première phrase, deux fois répétée ; les trois brèves du dessin des cors, rappelant par leur rythme le thème initial de la symphonie, font véritablement songer au mot de Beethoven : Ainsi le sort frappe à notre porte. Dans la véhémente opposition entre la mélodie éplorée pour ainsi dire des cordes, et le rythme impérieux qui des cors passe bientôt dans tout l’orchestre, il y a comme une poétique évocation du tourment de la vie, où incessamment le Désir passionné du repos se heurte au Devoir de l’œuvre, c’est-à-dire à la souffrance.

Remarquons d’ailleurs avec quelle netteté Beethoven indique sa volonté d’un contraste brutal. Non seulement les deux thèmes qui forment tout le développement de la première partie de l’Allegro sont de caractère très différent : l’un doux, vague, sans force rythmique ; l’autre extrêmement énergique au contraire et d’une forme mélodique très déterminée ; mais encore chacun d’eux est accompagné d’indications de nuances absolument tranchées : la première mélodie est toujours accompagné d’un pianissimo partout où elle paraît ; l’autre porte constamment le fortissimo, avec seulement çà et là, la flexion atténuée du simple forte. Tout cela est d’une précision absolue ; il semble qu’il suffise de savoir lire pour comprendre ? Mais voilà : les chefs d’orchestre, la plupart du temps ne lisent pas attentivement ; ils se con-