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l’art de diriger

pliquable qu’on éprouve sous le regard magnétique de certains individus. Tout y est mystérieux et sombre ; les jeux d’instrumentation d’un aspect plus ou moins sinistre semblent se rattacher à l’ordre d’idées qui créa la fameuse scène du Blocksberg, dans le Faust, de Gœthe. Les nuances du piano et du mezzo forte y dominent. Le milieu (le trio) est occupé par un trait de basses exécuté de toute la force des archets, dont la lourde rudesse fait trembler sur leurs pieds les pupitres de l’orchestre et ressemble assez aux ébats d’un éléphant en gaieté… Mais le monstre s’éloigne et le bruit de sa folle course se perd graduellement. Le motif du scherzo reparaît en pizzicato, le silence s’établit peu à peu, on n’entend plus que quelques notes légèrement pincées… »

On le voit, pour Berlioz, le morceau a plutôt le caractère fantastique, d’où devait résulter nécessairement une interprétation sensiblement différente de celle que je viens d’exposer. L’entrée des cors n’a plus la même importance et on la pouvait exécuter plus légèrement, ainsi que tout le développement qui suit. Aussi Berlioz indique-t-il erronément les accents par lesquels passe la première partie du morceau. Il dit que les nuances du mezzo forte et du piano y dominent. La vérité est que suivant les indications de Beethoven il y a alternance presque symétrique entre les deux nuances extrêmes du passionissimo et du fortissimo.

La fertile imagination de Berlioz lui faisait voir les ébats d’un éléphant dans le trio. Le fameux trait des basses devait donc, pour lui, être joué très pesamment : il parle d’ailleurs de sa « lourde rudesse. »

Tout cela est fort intéressant et très ingénieux, mais ne concorde pas évidemment avec la véritable pensée de Beethoven autant qu’on en peut juger par les indications