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chestre, aidé maintenant des trombones, du contrebasson et de la petite flûte (piccolo) qui n’avaient pas encore paru, entonne la fanfare triomphale ! Il y eut dans tout le public comme un remous, tant avait été grande la tension obtenue dans la préparation de cette entrée. Là, en effet, est la péripétie du drame psychologique dont cette incomparable symphonie est le développement sonore. Jamais je n’ai vu auditoire saisi d’une émotion aussi intense à l’audition d’un morceau purement symphonique que le fut le public bruxellois par cette exécution raisonnée et logique, intelligemment et savamment graduée.

Je dois ajouter toutefois que dans la suite du finale M. Richter parut avoir maintenu avec trop de rigueur l’uniformité du rythme. Il prenait la fanfare du début dans un mouvement très large, un peu plus lent qu’on ne le prend généralement de ce côté-ci du Rhin. Elle y gagnait en noblesse ; seulement par la suite on eût aimé qu’il animât un peu cette solennité. Le fameux chant des cors (mesures 25 à 35) manquait évidemment de souffle, d’éclat et d’accent. Je me rappelle l’avoir entendu bien mieux exécuté, vibrant et d’une étonnante splendeur au Conservatoire de Bruxelles sous la direction de M. Gevaert ; mais M. Gevaert prenait le mouvement un peu plus vite, et avec raison, je crois, car les notes longues des cors, dans la nuance du fortissimo, ne peuvent évidemment pas être soutenues, même par des artistes exceptionnels, au delà d’un certain temps. Le morceau a d’ailleurs acquis ici une allure passionnée et entraînante qui exige dans l’exécution une vigueur incompatible avec le sentiment de noblesse que M. Richter faisait très justement dominer au début.