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l’orchestre

qu’ils jouaient, paraît aujourd’hui d’une limpidité absolue à des auditeurs qui l’entendent pour la première fois. J’ai moi-même constaté le fait à plusieurs reprises.

Dans son Art de diriger Wagner raconte qu’à quelques jours d’intervalle son ouverture fut exécutée à Leipzig, au Gewandhaus, sous sa direction d’abord ; elle fut bissée ; puis sous la direction de M. Reinecke, encore actuellement directeur du Conservatoire de cette ville ; elle fut sifflée. C’est que M. Reinecke s’était contenté de maintenir inflexiblement, tout le long du prélude, le large mouvement régulier (4/4) du premier thème, sans aucun égard pour les délicates flexions rythmiques que Wagner indique dans la suite.

Je me rappelle avoir entendu des exécutions analogues à Bruxelles et ailleurs ; et j’avoue que jusqu’en ces derniers temps, cette belle page a été jouée presque partout de manière à demeurer un véritable logogriphe pour les auditeurs non prévenus. Tout à coup, il y a quelque cinq ou six ans, la clarté se fit dans ce chaos de sonorités étranges. C’est que dans l’intervalle M. Joseph Dupont avait fait exécuter dans ses concerts divers autres fragments de l’opéra. Finalement l’ouvrage fut mis à la scène au théâtre de la Monnaie. Dès ce jour le prélude des Maîtres Chanteurs devint un morceau favori du public bruxellois et aussi l’un de ceux que l’orchestre des Concerts populaires exécute avec le plus de verve, de délicatesse et de limpidité. Je l’ai entendu bien souvent depuis, à Paris, à Londres, en Allemagne. Sans craindre d’être accusé de flatter indûment mes compatriotes, je puis dire qu’il y a peu d’orchestres actuellement qui jouent cette ouverture mieux que les artistes bruxellois. Les observa-