Page:Kufferath - L’Art de diriger l’orchestre, 1890.djvu/8

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
4
l’art de diriger

soupçonnées et de trouver des aspects si différents aux mêmes pièces de musique jouées vingt fois devant lui par les mêmes instrumentistes.

On eut ainsi la révélation de ce que peut l’art de diriger, et la sensation très nette d’une virtuosité particulière appliquée à un complexe sonore qu’on n’avait pas considéré jusqu’ici comme un instrument aussi docile à la volonté de l’interprète que peut l’être un piano ou un violon. Ce qui a rendu cette expérience particulièrement concluante, ce sont les conditions dans lesquelles elle s’est faite. Il y a de nombreux exemples de chefs d’orchestre fameux, voyageant de ville en ville avec un orchestre à eux, ou appelés à diriger exceptionnellement de grands ensembles où se trouvent réunis des instrumentistes de choix recrutés un peu partout. Dans ce cas, la composition de l’orchestre, la discipline résultant de l’unité de direction, la connaissance d’un répertoire restreint et souvent répété, suffisent pour expliquer la supériorité de l’exécution.

Cette fois, il s’agissait d’un orchestre depuis longtemps constitué, formant un corps de musique homogène, habitué à jouer sous des chefs différents sans qu’il en soit jamais résulté une modification essentielle dans le caractère de son exécution, un orchestre d’ailleurs souvent cité parmi les meilleurs de l’Europe et qui a de triomphantes journées à son actif.

Pour qu’en deux ou trois répétitions sa manière de se comporter ait pu être altérée au point de frapper non seulement les gens compétents, mais jusqu’à la masse du public, il faut bien admettre qu’il y a, dans la façon de conduire les artistes d’orchestre, un don particulier,