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l’orchestre

une aptitude analogue à celle de tout virtuose pour un instrument déterminé, aptitude qui doit être soigneusement développée, gouvernée et entretenue.

En principe, on est depuis longtemps d’accord là-dessus ; dans la pratique, point. La plupart de nos chefs d’orchestre sont encore des produits du hasard, c’est-à-dire des compositeurs avortés, des pianistes ou des violonistes qui, n’ayant pas réussi comme virtuoses, s’installent un matin au pupître, sans se douter que l’art de conduire, de tous les arts relatifs à la musique, est peut-être celui qui réclame le plus de véritable sens musical et le plus de science, c’est-à-dire le plus de préparation, sans parler des facultés spéciales indispensables au métier proprement dit. Sans doute, dans le nombre de ces chefs, il en est qui, grâce à une bonne éducation antérieure et à une longue pratique, finissent par devenir des gens de métier très habiles. L’homme de métier n’est cependant que la moitié de l’artiste complet. La vérité est que l’Art de diriger devrait être une des branches de l’enseignement et former le complément nécessaire et obligatoire des hautes études musicales dans nos conservatoires[1]. Il n’est pas certain que chaque année scolaire produirait un chef supérieur, mais il est certain tout au moins qu’au bout d’un certain temps, il y aurait au pupître de nos théâtres et de nos concerts sympho-

  1. Ceci était écrit et déjà imprimé lorsqu’à paru le livre de M. Gounod sur Don Juan, dans l’appendice duquel l’illustre maître touche sommairement à la question du chef d’orchestre et exprime lui aussi, le vœu que l’art de diriger « fasse l’objet d’un cours normal dans l’ensemble d’éducation musicale représenté par nos Conservatoire ».