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Page:Kufferath - Tristan et Iseult, 1894.djvu/35

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venaient d’acheter au hameau de Enge, près de Zurich. C’est là qu’il avait pu, dans des conditions matérielles assez favorables, achever la plus grande partie du deuxième acte de Siegfried, esquisser tout le premier et même la plus grande partie du deuxième acte de Tristan. Les amis qui lui étaient chers venaient le voir plus souvent, maintenant qu’il pouvait les héberger : de Bülow, Robert Franz, Praeger, Tichatschek, Rœckel, Tausig, alors tout jeune et que Liszt lui avait adressé en le lui recommandant chaudement. Ces visites lui avaient procuré quelque distraction. « Dans ces derniers temps, écrit-il gaîment, le 29 octobre 1857, à son ami Fischer, nous avons fait beaucoup de musique : Rheingold, Walkyrie et les deux actes terminés de Siegfried. Je travaille, en ce moment, à Tristan et Iseult, que j’espère avoir terminé pour l’été prochain. J’aurai ainsi à offrir aux théâtres un ouvrage facile à donner. Mais, avant tout, il faudra que je le monte d’abord moi-même, sans quoi je ne le livrerai à personne. »

En apparence, Wagner était heureux, et il l’eût été complètement sans une passion ardente qui, longtemps comprimée jusqu’alors, éclata vers cette époque avec une violence inouïe.

Il est assez délicat de parler de ce drame intime dont quelques acteurs vivent encore. Il suffira d’indiquer la situation étrange où se trouvait alors Wagner, installé avec sa première femme (Minna Planer) dans la villa de Enge, attiré irrésistiblement vers une femme jeune, hautement intelligente et belle, placé de la sorte entre ses devoirs d’époux, ses devoirs de loyauté vis-à-vis d’un am et la pas-