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DU BRIGAND
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murait des plaintes si touchantes, que les brigands, tout insensibles et inhumains qu’ils étaient, ne pouvaient s’empêcher d’en être touchés. Bouleau, surtout, le plus sensible des quatre, était tellement ému que, sans la crainte d’une mort inévitable et certaine, il les aurait mises en liberté.

— Tiens, Mouflard, disait-il tout bas en lui frappant sur l’épaule, je n’ai pas coutume de faire cas des larmes, eh ben, que l’diable me « tarabuste », ça m’bouleverse le corps et l’esprit tout ensemble de voir ces pauvres p’tites « criatures » pleurer comme ça.

Mouflard ne répondit rien.

— Allons, allons, mes enfants, dit Lampsac en s’efforçant de diminuer sa grosse voix, ne pleurez pas tant, ou que Satan m’épouvante, ça va aller mal.

— Où nous menez-vous donc, barbares ? dit Julienne ; avons-nous mérité ce que vous nous faites ?

— Silence, jeune fille, dit Lampsac, vous avez bien à vous plaindre vraiment ; vous n’avez pas mis pied à terre, et puis vous allez être nourries, hébergées sans rien faire.

Julienne se tut.

Maître Jacques ne disait rien, sa voix pouvait le trahir.

— Allons, mes « jars », dit Lampsac, en route !

— Attendez donc, dit Bouleau, mille bombes, j’suis fatigué en diable ; j’sue comme un bourreau.

— Oh ! le vilain flandrin ! dit Lampsac.

— Nous marcherons, dit Julienne, qui, malgré le mépris et la haine qu’elle avait pour ses ravisseurs, ne put fermer son cœur à un reste de pitié, et dédaignait de se faire porter plus longtemps par des misérables de cette espèce ; nous marcherons, n’est-ce pas, Helmina ?

— N’as-tu pas honte, Bouleau ? dit Mouflard avec son ironie ordinaire.

— Va au diable, impitoyable bavard, dit Bouleau en serrant les dents.

Lampsac alluma une lanterne et battit la mar-