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LA FILLE

rêves du jeune âge, les hasards de la vie !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Et Émile pressait le bras de Stéphane ; et tous deux suivaient lentement la rue Saint-Louis dans un morne silence.

Arrivés à la balustrade qui avoisine l’église de la congrégation, Stéphane s’arrêta tout à coup, et s’appuya sur la barrière qu’ils devaient franchir. Une voix angélique venait de le frapper : c’était celle d’une jeune et tendre vierge qui mêlait aux accords du piano, la mélodie de ses chants passionnés et douloureux. Elle chantait la romance si expressive :

Ce que je désire et que j’aime,
C’est encore toi, etc…

— Entendez-vous, Émile ?… dit Stéphane… Ô jeune fille, que ta voix soit bénie !… Et moi aussi pourtant je pourrais chanter :

Ce que je désire et que j’aime,
C’est encore toi…

Ô Helmina !… Oui, c’est encore toi que je désire, toujours toi !… seulement toi !…

Et Émile entraîna Stéphane sur la terrasse de l’Esplanade ; et tous deux se laissèrent tomber sur le gazon…

Il y eut un silence de quelques minutes.

— Jusqu’à quand, Stéphane vous abandonnerez-vous donc à un chagrin sans espoir ?

— Tant que le soleil luira sur mon existence, Émile, il luira sur mon chagrin ; n’essayez plus à le chasser de mon cœur ; je mourrais trop tôt sans lui !…

— Pauvre ami ! dit Émile en prenant sa main brûlante et en la serrant dans les siennes… vous pleurerez donc toujours !…

— Toujours, Émile, toujours !… Helmina ! Helmina ! s’écria-t-il d’une voix mourante, comment t’oublier aujourd’hui ? comment effacer de mon esprit cette douce impression que tu y as,