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Page:L'Écuyer - La fille du brigand, 1914.djvu/38

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LA FILLE

— C’est vrai, mon père, j’ai goûté d’autant plus de plaisir avec vous qu’il m’arrive rarement de jouir aussi longtemps de votre présence.

— Bravo ! mon enfant, dit maître Jacques avec contentement ; voilà qui est bien répondu, sur mon âme. Viens m’embrasser, Helmina, tu es maintenant mon unique consolation sur la terre.

Helmina sauta au cou de son père et l’embrassa avec effusion. Maître Jacques aperçut une grosse larme sur la joue pâle de sa fille.

— Helmina, lui dit-il avec un air de douceur, tu pleures, je vois bien que tu me caches quelque chose ; si tu savais comme ce manque de confiance de ta part m’afflige.

— Je n’ai point de secret pour vous, mon père ; cette larme m’est arrachée par l’amitié que je vous porte, par la séparation que vous allez faire. — Oh ! mon père, pourquoi aussi ne pas toujours demeurer avec moi ? Quelles affaires si multipliées peuvent vous retenir aussi longtemps absent ?

Maître Jacques fronça le sourcil ; il éluda promptement les questions de sa fille.

— J’espère, Helmina, qu’un jour je pourrai vivre continuellement avec toi ; ne te chagrine pas, mon enfant. En attendant tu ne manqueras de rien, tu auras tout ce qui te fera plaisir ; mais sois gaie, ma chère, heureuse ; imite ta petite compagne Julienne ; regarde-la, elle est toujours comme l’oiseau sur la branche, chantant, sautant ; imite-la, ma fille.

— Ah ! bien oui, la Julienne, dit Madelon avec humeur, elle saute bien qu’trop, elle, par exemple ; j’vous dis, maître Jacques, qu’il n’y a pas à en jouir, ma bonne vérité.

— Allons, de la patience, Madelon, elle est jeune, elle deviendra plus sage.

Et maître Jacques s’approcha de la table, et se mit à manger avec précipitation et appétit.

— Dieu le veuille ! dit Madelon en prenant de suite deux ou trois prises de tabac.

Le mari de Madelon venait d’atteler le cheval de maître Jacques.