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LA FILLE

VI

UNE RENCONTRE INATTENDUE


On n’a pas oublié que Stéphane et Émile étaient convenus d’aller ensemble chez Mme  La Troupe, l’hôtesse de l’auberge du faubourg Saint-Louis. Huit jours s’étaient écoulés depuis et Stéphane, malgré son impatience, n’avait pu encore mettre son projet à exécution.

Stéphane avait changé de moitié ; ses parents concevaient pour lui les plus tristes inquiétudes. Ce n’était plus en effet ce jeune homme droit et éclairé, plein de gaieté et d’énergie ; ce jeune homme aimable, aux yeux vifs et brillants, au teint de rose, aux cheveux bouclés, aux manières élégantes, au sourire joyeux, que nous avons rencontré à l’auberge de Mme  La Troupe : Stéphane marchait aujourd’hui les yeux baissés, courbé sous le poids de sa douleur ; ses yeux s’étaient remplis d’une rare mélancolie ; ses joues étaient pâles et creuses ; on ne voyait plus dans son maintien, dans ses habits, cette recherche minutieuse qui l’avait toujours caractérisé, mais un désordre complet, marque de l’insouciance ou du malheur. Telles avaient été les suites d’un amour brûlant et sans frein.

Il était huit heures du soir ; cette fois Stéphane résolut à tout prix de satisfaire sa curiosité ; il court chez Émile, lui rappelle sa promesse. Ils partent tous deux pour se rendre chez Mme  La Troupe.

En passant sous la porte Saint-Louis, ils ne purent résister à une frayeur involontaire en traversant un endroit qui avait été si souvent marqué par le sang des victimes du brigand. Craignant d’être surpris, ils tenaient continuellement la détente de leurs pistolets, prêts à la lâcher sur le premier agresseur, lorsqu’ils aperçurent tout à coup la faible lueur d’une lanterne sourde et entendirent en même temps les pas d’un homme qui marchait pesamment devant eux et faisait jaillir de tout côté la boue qu’il foulait à ses pieds.

Probablement que l’inconnu les entendit de son