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Page:L'Écuyer - La fille du brigand, 1914.djvu/83

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DU BRIGAND
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honnête, si respectable ; foi de créquien, monsieur, je n’suis pas mauvais, vrai comme v’la un’bouteille ; mais t’nez, quand je m’vis trompé d’la pareille façon, ça m’mit dans un’colère ; mais dans un’colère, entendez-vous, qu’j’aurais pu tuer !

— Et vous avez pris madame La Troupe ? dit Maurice, voulant mettre fin à cet entretien qui le touchait d’assez près.

— Comme de raison ; mais écoutez, c’n’est pas tout. Nous remontons dans l’auberge, et le chef d’la patrouille, après avoir fait retirer tout l’monde excepté moi, parla à madame La Troupe, à peu près comme ça : « Madame, qu’il lui dit, on a trouvé des effets volés dans votre cave ; votre auberge est ouverte à tous les brigands, tout me porte à croire que vous agissez avec eux : par conséquent je vais user de mon autorité pour vous faire conduire en prison. »

Mme La Troupe gardait un silence complet.

— Avez-vous queuqu’chose à dire pour votre défense ? que j’lui dis.

Elle jeta autour de la chambre un regard égaré, puis elle répondit faiblement : « Rien. » Puis ayant appelé vers elle sa petite fille, elle la serra longtemps contre son sein en l’arrosant de ses larmes ; il y eut en elle un moment de repentir, après quoi elle se leva tout à coup, les cheveux hérissés comme du vrai crin, les yeux tout grands ouverts, et ayant repoussé brusquement son enfant : — Ne pleure pas, lui dit-elle, ta mère a mérité son châtiment. Malheur à ceux qui m’ont perdue ! Malheur à eux ; ils périront avec moi ! Puis elle retomba évanouie sur sa chaise.

Maurice, malgré son sang-froid ordinaire, ne put s’empêcher de trembler en entendant ces derniers mots ; et dans la crainte de ne pouvoir assez déguiser son trouble, il se leva et sortit aussitôt en saluant Johnné, qui ne savait que penser d’un départ aussi brusque et aussi subit.