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Page:L'Écuyer - La fille du brigand, 1914.djvu/86

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LA FILLE

plices, un repaire empoisonné, une caverne où le soleil n’a jamais pénétré, un purgatoire terrestre en un mot ?…

Entrons avec Stéphane, et voyons si le tableau que nous aurons à contempler est réellement aussi effrayant que celui que nous aurons formé dans notre imagination.

En parcourant les longs et humides corridors qui traversent la prison, en entendant l’écho sourd et entrecoupé qui répétait le bruit de ses pas, et en voyant ces énormes portes qui craquaient et roulaient lentement sur leurs gonds, Stéphane ne put s’exempter d’un certain mouvement de frayeur mêlée de dégoût. Pour arriver à la chambre de Mme La Troupe, il fallait traverser celle des hommes. C’était une vaste salle carrée, située au centre de l’édifice, et éclairée par cinq fenêtres toutes barricadées avec de grosses barres de fer. C’était là que Stéphane devait avoir sous les yeux un spectacle vraiment répugnant et horrible. En y entrant il fut près d’être suffoqué par l’air empesté et nauséabond répandu dans l’appartement, et écrasé par une foule de scélérats qui se pressaient autour de lui en lui tendant la main. Malheureusement, Stéphane n’ayant sur lui rien à donner à ces infâmes brigands, se fit siffler et insulter ; plusieurs même qui n’avaient pas encore perdu leur instinct brutal et leur cupidité, voulurent se jeter sur lui pour le dépouiller. Puis c’étaient des imprécations, des jurements et des ricanements affreux. Les uns chantaient, les autres pleuraient et gémissaient ; ici on en voyait qui étaient en proie au plus terrible désespoir ; là quelques autres se livraient à une joie sardonique et bruyante ; plus loin ils se disputaient, se maudissaient les uns les autres et se tiraient aux cheveux.

Telle était cette chambre que les geôliers appelaient « l’antre du diable », semblable pour la malpropreté à un bourbier épais où croupissent des insectes dégoûtants, et pour le fracas à un repaire de