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Page:L'Écuyer - La fille du brigand, 1914.djvu/87

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DU BRIGAND
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bêtes féroces poussant de continuels hurlements, et se ruant avec rage et impétuosité les unes sur les autres.

Stéphane, en sortant de cette chambre, jeta un dernier regard sur la scène affreuse qui venait de se dérouler à ses yeux, et sentit ses membres mus par un tremblement convulsif et son cœur se briser par des pulsations violentes. Il s’appuya un instant sur la tablette d’une fenêtre.

— On voit bien, dit le geôlier en souriant de pitié, que vous n’êtes pas accoutumé à de telles visites ; mais j’avouerai aussi que je n’ai jamais vu tant de commerce qu’aujourd’hui. Allons, allons, monsieur, ne vous découragez pas : le pire est fait.

— Tant mieux, mon Dieu, dit Stéphane, en reprenant courage malgré lui, s’il n’en était pas ainsi, j’aimerais mieux retourner sur mes pas.

Le geôlier ouvrit la troisième porte qu’ils rencontrèrent et introduisit Stéphane dans un appartement proprement blanchi et balayé : c’était un nouveau spectacle, moins bruyant à la vérité, mais plus digne de pitié et plus susceptible de faire impression sur un cœur sensible comme pouvait l’être celui de Stéphane. Parmi toutes les femmes, au nombre de trente à quarante, qui étaient rangées tout autour de la salle, une seule ne travaillait pas encore à l’œuvre pénitentiaire, c’était Mme La Troupe. Aussitôt qu’elles aperçurent le geôlier et Stéphane, elles se levèrent avec un respect mêlé de crainte et baissèrent la vue sur leur ouvrage, d’un air qui semblait demander grâce. Elles étaient assez proprement vêtues, mais maigres et décharnées, et tenant une posture nonchalante nécessaire d’après la vie sédentaire qu’elles étaient obligées de mener.

Stéphane en examinant furtivement ces femmes perdues, indignes d’un sexe qu’elles déshonoraient, frémit involontairement et porta la main à son front, comme s’il eût voulu chasser les réflexions qui l’accablaient ; mais lorsqu’il vint à remarquer